Le 24 octobre 1775
Ces jours passés le hasard m'a fait tomber entre les mains une critique de la Henriade dont la Beaumelle & Fréron sont les auteurs.
J'ai eu la patience de parcourir leurs remarques, qui respirent plutôt l'amour de nuire que celui de la justice & de l'impartialité. Je croyais que ces Zoïles avaient épuisé tout leur venin dans ces notes; mais quelle fut ma surprise, lorsque je trouvai des moitié de chants de leur composition, qu'ils prétendaient insérer dans ce poème! Ces vers d'un style sec & décharné ne méritent pas d'être lus par les honnêtes gens. Moi qui suis bien loin de posséder les connaissances des d'Olivet, je me trouve en état d'en faire une bonne critique, tant leur versification est détestable. La bêtise, la basse jalousie & la méchanceté de ces insectes du Parnasse me firent imaginer la fable que voici:
Peut-être que mes vers ne valent guère mieux que ceux de messieurs vos critiques; ils contiennent, cependant, quelques vérités qui pourraient leur faire rabattre de leur amour propre excessif; mais laissons ces avortons de Zoïle.
Je me flatte d'être le premier qui vous félicite de l'intendance du pays de Gex dont on vient de Vous revêtir, & sur l'érection en marquisat de votre terre de Ferney. A force de mérite vous forcez votre patrie à vous témoigner sa reconnaissance. Je prends part à tout ce qui arrive d'avantageux à notre bon patriarche, & je le prie de se souvenir quelquefois du solitaire de Sans-Souci. Vale.