1755-07-09, de Joseph Foncet, baron de Montailleur à Jean Louis Dupan.

Monsieur,

Il paroit dans Cette ville quelques Exemplaires d'une Epitre de Mr De Voltaire, sur son arrivée aux environs de Genève: l'on y a vû, avec surprise, et méme avec indignation, que par une digression recherchée, et étrangère au sujet, il a affecté de jetter, sur la mémoire d'Amedé VIII Duc de Savoÿe, les traits les plus indécens, et les plus Calomnieux.

En laissant, sur le Comte de l'autheur, tout le blâme, que mérite une telle production, je me suis borné à soutenir que j'étois trop convaincu des sentimens de Vôtre digne Magistrat, envers la Royale maison de Savoÿe, pour douter un instant, que bien loin de favoriser la Composition, et le débit de pareils ouvrages, il n'ait dés-approuvé un procédé si téméraire, à tous égards, et qu'il n'ait méme pris les mesures convenables, pour en arrêter les suites, et les progrès.

Aggrées, Monsieur, que Confidemment je vous fasse part de cette affaire, dans l'espérance, que vous me mettrés toujours plus dans le Cas de rendre justice aux sentimens, pleins de zéle, que vous m'avés témoignés, pour la personne du roy, et pour la famille Roÿale. Je Comte d'avoir le plaisir de vous voir, dans le commencement d'aoust; Et Comme j'ignore le tems précis de mon départ d'icy, si vous m'honorés d'une réponse, je vous prie de l'addresser à mr le président du sénat de Savoÿe, qui sçaura, où me la faire parvenir.

J'ay l'honneur d'être avec un respect distingué

Monsieur

Vôtre très humble, et très obéissent serviteur

Foncet

P. S. Si vôtre poëte, suivant la voÿe de la prudence, et de la vérité, avoit voulu Consulter, non Guichenon, mais tous les témoignages, étrangers, respectables, et non suspects, qu'il a rapporté, Et même l'histoire Ecclésiastique de Mr Defleury il se seroit Convaincu, que Amedé VIII a été, dans tous les états de sa vie, un Prince digne des plus grands Eloges, et il n'auroit pas abusé, au point qu'il l'a fait, de la liberté, qu'il affecte tant de Vanter, dans son Epitre.