1755-07-26, de Abraham Trembley à Charles Bonnet.

. . . Vous auriés pu découvrir peut être pourquoi Voltaire a mis rafraichir dans la neige des alpes la gloire de Catinat et de Corti.

J'avouë, mon cher ami, qu'il y a des endroits dans son Epitre que je n'ai pas admirés. C'est ce que je puis dire de quelques uns des traits de sa description sur la Liberté. Il y a longtems que Voltaire ne parle de la liberté qu'avec une sorte d'Enthousiasme. Chacun sait que lorsqu'il auroit pu vivre en Angleterre ou en Hollande, il a préféré de s'établir à Berlin; et l'on a tout lieu de croire qu'il ne seroit pas à Geneve, s'il avoit pu vivre à Paris après avoir été obligé de quitter la Prusse.

Au reste, je ne suis pas charmé de voir ces grands cris sur la Liberté partir de Geneve. J'ai pensé depuis que j'ai appris que Voltaire s'y établissoit qu'il pourroit nuire à nôtre Patrie par les traits de différentes sortes, qui lui échapperont dans les ouvrages que produira sa retraite. Son Epitre est défenduë ici. . . .

Tout à vous de coeur et d'âme

A. Trembley