[c. 15 June 1736]
Monsieur, je n'ai que le tems de vous dire que je vous envoïe par la Poste à l'adresse de Mr Des Granges, le Mémoire du Sr
Jore Libraire & celui de Voltaire qui ne paroit que d'hier.
Voltaire est bien misérable, bien bas, il devoit sacrifier mille écus plutôt que de laisser paroitre un pareil factum contre lui. Il est à ce qu'on dit de l'Avocat qui l'a signé, & j'en ai déja vû un assès plaisant de cet homme là. Celui-ci a indisposé tous les honnêtes gens contre notre Poëte, & dut-il gagner son Procès, il n'y a qu'un cri d'indignation publique contre lui; pour comble de mal adresse son propre Mémoire est encor plus contre lui que celui de son Libraire. La vanité, les airs de bienfaicteurs qu'il y affecte, un certain ton d'impudence qui s'y fait sentir partout, surtout les Mensonges qu'il y avance avec tant d'éffronterie sur sa pauvreté & sa Générosité, tout cela fait crier contre lui. Pour le coup le voilà je pense bien loin de l'Académie. Ses Amis se cachent. Lui même agité comme un Démon, tourmenté par son maudit esprit ne peut plus tenir à Paris & il part ces jours-ci. Les deux énnemis declarés dont il veut parler sont De Launay & l'Abé Desfontaines.
J'oubliois de vous dire que l'Auteur de l'Epitre aux Dieux Pénates est un Jeune Abé qui se nomme de Berny que je connois de vüe, j'ai même causé avec lui & il m'a paru très aimable.
L'Heure de la Poste me presse & je n'ai que le tems de vous renouveller les témoignages de mon respect.
Votre &c.
Le Blanc