Le 26 juill. 1758
Que Laissay je à Paris? des masques Politiques
Cachant leur air d'avidité
Et le Luxe en son char, dans les places publiques
Insultant à la Pauvreté.
J'ay vu le tendre amour et sa soeur généreuse
Et l'incorruptible Devoir
Indignement traisnés à la suite orgeuilleuse
Du Démon effréné d'Avoir.
Quoy Les Reines des coeurs n'ont plus ce regard tendre
Qui nous engageoit aux vertus!
Ce prix de nos talents à l'enchère est à vendre
Au profane autel de Plutus.
De la profusion naquit cette avarice
Qui, l'oeil fermé sur les moyens,
Entasse au sot orgueil, prodigue au fol Caprice
Les fortunes des citoyens.
L'avarice du jour n'est plus cette Eumenide
Qui cachoit l'or dans des tombeaux:
Pour les vuider sans cesse, étrange Danaide
Sans cesse elle emplit ses tonneaux.
Esclave au maintien noble, et qui trompe Versailles
Ce monstre infecte tous les rangs:
A la Bourse, aux conseils, presqu'au champ de batailles
Des François il fit des Brigands.
Je reviens sans regrets, en ce coin de la Terre,
Où mes ayeux s'étoient bannis,
Où, du sang du Pigeon osant rougir leur terre,
Les vautours sont encor punis:
Où sur un verd gazon est le trosne des Belles:
Où Lise, en jupe sans ressorts,
Sous le modeste éclat des grâces naturelles
Fait désirer tant de trésors:
Où né pour le travail, nouri par l'industrie
L'homme meurt, sans estre informé
Qu'il fut d'autres besoins dans cette courte vie
Que manger, dormir, estre aimé.
Le sage, indépendant du joug des artifices,
Règne heureux, chés soy confiné:
Vous illustre, opulent, vray seigneur des Délices,
Moy sans nom, peu riche à Launay.
Là ma tendre amitié, me tenant lieu de muse,
Loin des grandeurs, et des revers,
Toute entière avec Vous, paisiblement s'amuse
A vous aligner quelques vers.
Oh! si j'écoutois l'oncle, en lorgnant ses deux nièces,
Tous trois charmants, Peintres tous trois:
Si, volant leurs crayons, j'en prenois leurs finesses,
Mon sort seroit selon mon choix.