[c. 1 December 1722]
Je pars du Bruel, vais passer un jour à la Source chez milord Bollimbrock, et de là à Ussé en poste.
Faittes en sorte mon cher ami que j'y trouve une lettre de vous qui m'aprenne que les Paris vous ont donné quelque bon emploi. Je suis très surpris qu'on vous ait préféré comme vous me le dittes un fils de maquerau. Il me semble qu'on devroit avoir plus d'égard aux gens qui exercent qu'aux enfans de ceux qui ont eu cette dignité. Raillerie à part, j'écrirai une épitre chagrine aux Paris s'il ne vous donnent rien. Ce que vous me mandez touchant mr le cardinal Dubois est fort raisonable. Je m'occupe àprésent à adoucir dans mon poème les endroits dont les véritez trop dure révolteroient les examinateurs. Je ferai ce que je pourai pour avoir le privilège en France. Ainsi vous pouvez répandre dans le monde qu'il sera imprimé en ce pays ci et que les souscripteurs n'ont rien à craindre.
Je vous ai mile obligations des soins que vous prenez pour mes dessins. Si Coipel tarde trop je croi qu'il seroit bon de l'engager à n'entreprendre que deux desseins. Tout est absolument à votre disposition. Je viens de corriger dans le premier chant un endroit qui me paroit essentiel. Vous savez que lors que Henri quatre avoit déclaré à Henri trois qu'il ne vouloit pas aller en Angleterre, Henri trois lui répliquoit pour l'y engager. Tout ce dialogue faisoit languir la narration. J'ai substitué une image à cette fin de dialogue. J'ai fait aparoitre à mon héros son démon tutélaire que les crétiens apellent ange gardien. J'en ai fait le portrait le plus brillant et le plus majestueux que j'ai pu, j'ai expliqué en peu de vers serrez et concis la doctrine des anges que dieu nous donne pour veiller sur nous. Cela est à mon gré bien plus épique. Voilà un bau sujet pour la première vignette, mais je crains bien que ces vignettes ne nous emportent bien du temps. J'ai corrigé encor baucoup de morceaux dans les autres chants surtout dans le quatrième. Je m'ocupe un peu dans la solitude à régler l'autheur et l'ouvrage, mais je vous assure qu'il n'y aura jamais à corriger aux sentimens que j'ai pour vous. Mes complimens à votre ami; mandez moi si tous les libraires ont des souscriptions et comment cela va.