1722-12-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Qu'ai-je donc fait pour vous mon cher ami qui doive m'attirer vos remercimens?
Je vous ay sacrifié un quart d'heure de temps et j'ai fait de méchans vers. C'est à moy de vous remercier de tout ce que vous faittes. J'en suis pénétré au dernier point et je vous jure que je ne l'oublierai jamais. Je vous suis surtout très obligé d'aller souvent chez ma sœur. Mon cœur a toujours été tourné vers elle. Je suis sûr que vous luy donnerez un peu d'amitié pour moy.

Demoulin poursuit en mon nom la condamnation de Bauregard. Je suis rüiné en frais. Pour comble il me mande que le lieutenant criminel a envoié chercher toutes les pièces chez mon procureur. Je ne sçais si c'est pour rendre ou pour me dénier la justice. J'attends en paix l'événement.

Vous avez très bien corrigé les vers en question. J'ai grande impatience d'en savoir le succez.

Vous ne me mandez point comment vous vous êtes retiré d'avec Coipel. Vous ferez ce qu'il vous plaira des culs de lampe. J'ai donné au même homme les idées de plusieurs vignettes. Je vous en envoierai incessamment les dessins qu'il a promis de bien travailler. Vous avez carte blanche surtout. Mandez moy mon cher amy comment nos peintres ont traitté les sujets des estampes afin que je voye les idées qui nous resteront pour les vignettes. Je vous remercie du discours du Cardinal. Il est plein d'esprit et très convenable. Si le stile en étoit plus lumineux et plus coulant, cela seroit parfait. Je vous quitte de celuy de Fontenelle où il y aura sans doute baucoup d'antithèses, et plus de points que de virgules. J'aime mieux vos lettres mon cher ami que touttes les harangues de l'académie. La mienne est bien courte mais j'en ay quinze à écrire. Adieu. Comment vont les actions?