1764-05-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Joseph Panckoucke.

Vous me mandez, monsieur, que vous imprimez mes romans, et je vous réponds que si j'ai fait des romans j'en demande pardon à dieu; mais tout au moins je n'y ai jamais mis mon nom, pas plus qu'à mes autres sottises.
On n'a jamais, dieu merci, rien vu de moi contresigné et paraphé Cortiat secrétaire &a. Vous me dites que vous ornerez votre édition de culs de lampe: remerciez dieu, monsieur, de ce qu'Antoine Vadé n'est plus au monde; il vous appellerait Welche sans difficulté, et vous prouverait qu'un ornement, un fleuron, un petit cartouche, une petit vignette ne ressemble ni à un cul ni à une lampe.

Vous me proposez la paix avec maître Aliboron dit Fréron, et vous me dites que c'est vous qui voulez bien lui faire sa litière. Vous ajoutez qu'il m'a toujours estimé, et qu'il m'a toujours outragé. Vraiment voilà un bon petit caractère! C'est à dire que quand il dira du bien de quelqu'un, on peut compter qu'il le méprise. Vous voyez bien qu'il n'a pu faire de moi qu'un ingrat, et qu'il n'est guère possible que j'aie pour lui les sentiments dont vous dites qu'il m'honore. Paix en terre aux hommes de bonne volonté; mais vous m'apprenez que maitre Aliboron a toujours été de volonté très maligne. Je n'ai jamais lu son année littéraire. Je vous en crois seulement sur votre parole.

Pour vous, monsieur, je vois que vous êtes de la meilleure volonté du monde, et je suis très persuadé que vous n'avez imprimé contre moi rien que de fort plaisant pour réjouir la cour; ainsi je suis très pacifiquement, monsieur, votre &a.