1770-06-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Mon ancien ami, c'est dommage que Mr Gui Du Chêne ait imprimé avec tant de fautes de commission et d'omission, la vieille Sophonisbe de Mairet, rajeunie par Mr Lantin.
Vous connaissez ce Lantin, auteur du conte de la fourmi. Sa neveu qui demeure à Dijon, est bien indigné qu'on attribue à d'autres qu'à lui le rapetassage de cette vieille Sophonisbe. C'est, à ce que je vois, le rajeunissement inutile. On a une étrange rage dans Paris de vouloir toujours nommer au hazard les pères des enfans trouvés. Sans celà vous auriez déjà Mlle Ninon aux Thuileries.

Vous souvenez vous d'une espèce de vie de Catherin Fréron, dit Aliboron, que vous m'envoiâtes manuscrite il y a vraiment dix années? Je ne savais ce qu'elle était devenue, je la trouve imprimée dans un recueil intitulé, les choses utiles et agréables, mais on en fait une autre édition particulière à laquelle on ajoute la Lettre du sr Royou, beaufrère d'Aliboron, avocat au parlement de Rennes, lequel se plaint, que son beaufrère aiant servi d'espion dans les troubles de Bretagne, l'accusa d'avoir écrit en faveur de Mr de La Chalotais, obtint une Lettre de cachet contre lui, vint lui même le saisir avec des archers, le fit enchainer, et le conduisit en prison en tenant le bout de la chaine. Fréron mettra aparemment cet évênement dans son année Littéraire.

Portez vous bien, mon ancien ami, et jouïssez de l'hiver de la vie autant que vous le pourez.