23e avril 1770
Mon cher enfant, calmer vôtre sang, et rengraissez Madame de la Harpe; mais n'espérez pas rétablir le bon goût.
Nous sommes en tout sens dans le tems de la plus horrible décadence. Cependant soiez sûr qu'il viendra un tems où tout ce qui est écrit dans le stile du siècle de Louis 14 surnagera, et où tous les autres écrits goths et Vandales resteront plongés, au fond du fleuve de l'oubli. Les hommes veulent bien se tromper pour quelque tems, cabaler, en imposer, mais ils ne veulent point s'ennuier.
Il est impossible de lire la pluspart des ouvrages qu'on fait aujourd'hui, mais on lira toujours la religieuse; pourquoi? parce qu'elle est écrite dans le stile de Jean Racine.
Je crois qu'à présent on ne lit guères dans Paris que les arrêts du conseil. L'auteur a bien senti qu'il fallait intéresser pour être lû, et parler aux passions des hommes. Je suis même persuadé que les écrits de Mr le contrôleur général ont touché jusqu'aux larmes quatre ou cinq mille pères et mères de famille. Jamais Mlle Clairon ni Mlle Duménil n'en ont fait tant répandre. Mais on ne peut pas dire à l'auteur avec Horace et Boileau
Vraiment oui, je ferai parler à La Duchêne.
Celui qui vous a prié dans sa Lettre anonime de ne me point ressembler, à bien raison; ne ressemblez jamais qu'à vous même.
Nous embrassons de tout nôtre cœur Made Denis et moi, le père et la mareine de Mélanie.
Avez vous entendu parler de l'avanture de Fréron et de son beaufrère? Ce beaufrère nommé Royou est avocat au parlement de Renne. Il prétend que Fréron étant venu à Renne pendant les troubles en qualité d'espion, l'a déféré au gouvernement. Royou articule expressément que Fréron conduisit les archers chez lui, le fit mettre aux fers et tint lui même le bout de la chaine quand il fesait conduire son beaufrère au cachot.