25e février 1771
Le diable se foure par tout depuis longtems.
Si on vous a imputé des vers contre Mr le Mal de Richelieu on m’attribue une lettre au pape. On veut vous faire arrêter, et on veut m’excommunier; personne n’est en sûreté ni dans cette vie, ni dans l’autre; il suffit d’avoir de la réputation pour être persécuté et damné. Il faut se soumettre à tous les ordres de la providence. Nous lui devons des remerciements puisqu’elle vous a choisi pour punir maître Aliboron dit Fréron. Le mercure en éffet, est devenu le seul journal de France grâce à vos soins. L’âne d’Apulée mangeait des roses, l’âne de Freron s’enivre, chacun se console à sa façon. Je plains seulement son cabaretier. A l’égard du libraire qui fesait la litière d’Aliboron il ne risque rien, il lui restera toujours le journal chrétien avec lequel on fait son salut si on ne fait pas sa fortune.
On dit que gentil Bernard a perdu la mémoire. Il a pourtant pour mère une des filles de mémoire, et il doit avoir du crédit dans la famille. Est il vrai que Buffon le créateur de l’univers s’est empoisonné par un ragoût fait dans une casserole mal étamée, et qu’il en est très malade? Voilà une triste expérience de phisique.
Est il vrai que Mr de Mairan se dégoûte de son âge de quatre vingt treize ans, et qu’il veuille aller trouver Fontenelle? Pour moi j’irai bientôt trouver Pellegrin, Danchet et le barbare Crebillon. En attendant, je vous embrasse de tout mon cœur.
V.