1760-09-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Théodore Tronchin.

Mon cher docteur j'apprends par l'Ecluse que vous seriez fâché si j'étais l'auteur des dialogues crétiens par mr V, imprimez à Geneve 1760.

Et moy aussi je vous le jure j'en serais bien fâché, car l'ouvrage est médiocre et plein de lieux communs. Le second dialogue est sanglant; il ne nomme personne, mais il désigne, il couvre d'opprobre le professeur Vernet.

Bardin m'a envoyé cette brochure. Son fils qui est venu chez moy a été fortement réprimandé. Je l'ay menacé de me plaindre de ce qu'il se chargeait de débiter un libelle intitulé insolemment de la première lettre de mon nom.

Il m'a dit qu'il tenait ce libelle du libraire Rigolet de Lyon, que ce Rigolet luy avait mandé qu'il tenait le manuscrit d'un génevois, que ce genevois luy avait recommandé d'en envoyer cent exemplaires à luy Bardin.

Mon avis est qu'on interroge Bardin, qu'on brûle le libelle, et qu'on punisse le libraire et l'auteur.

Je vous embrasse tendrement mon cher et digne ami.

V.