Geneve le 13e 7bre 1760
Monsieur,
On a répandu dans cette Ville au commencement de ce mois, une brochure, contenant deux dialogues, Intitulée Dialogues Chrétiens ou préservatif contre l'Encyclopédie, par M. V*** à Geneve, 1760.
Dans le prémier, on attaque les Prétres Catholiques Romains; dans le second on attaque les ministres protestans.
Cette brochure a été imprimée à Lyon, par Rigolet, quoi qu'il y soit dit à Geneve; nous le présumons par deux lettres que Rigolet a écrites à deux de nos marchands de livres, en leur annonceant l'envoi qu'il leur faisoit de plusieurs exemplaires de cette pièce, dans les quelles il leur dit, que le manuscrit de ces dialogues lui a été envoyé de Geneve, avec une lettre anonime.
Ce libelle dénoncé au Conseil & au sujet du quel Mr De Voltaire avoit écri une lettre à Monsieur le Premier Sindic, a été déclaré scandaleux, impie, injurieux à la Religion Chrétienne, calomnieux & attentatoire à l'honneur de ses ministres; En conséquence, on a ordonné qu'il seroit lacéré & brûlé par l'exécuteur de la haute justice devant la porte de l'hôtel de Ville, qu'il seroit informé contre l'auteur & l'imprimeur, & que les exemplaires distribués seroient raportés dans 3 jours en Chancellerie, sous peine de l'indignation de la Sgneurie.
Mr De Voltaire a écri depuis ce jugement une seconde lettre à Mr le Premier, dans la quelle il lui marque qu'il en avoit écri à S. E. Mr le Duc de Choiseul, & à Mr le Chancellier. Il paroit, par sa lettre, qu'il a à coeur, qu'on puisse découvrir, par quelque procédure contre Rigolet Imprimeur à Lyon, l'auteur de cette pièce.
Dans ces circonstances, j'ai l'honneur, Monsieur de vous informer du fait non dans l'intention que vous en parliés le prémier au ministre; mais afin que s'il vous en parle lui même vous puissiés l'instruire de ce que le Conseil a fait relativement à ce libelle….
J'ai l'honneur d'être très parfaitement,
Monsieur,
Votre très humble & très obéisst serviteur
J. J. de Chapeaurouge