1760-09-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Voicy L'Ecossaise; il faut commencer par imprimer L'Epitre dédicatoire; ensuitte la Lettre de Jerôme Carré aux Parisiens, que Monsieur Cramer doit avoir dans le petit recueil que je n'ai point, parce que le relieur ne me l'a pas encor rendu.
Je suis obligé de dire avec douleur qu'il y a des pages entières dans l'histoire du Czar, où l'encre n'a point mordu sur le papier. Je soupçonne que c'est parce que le papier des éxemplaires à moi envoïé est un peut trop gros. Monsieur Cramer m'avait promis du papier de Hollande pour les présents que je dois faire; j'aurais voulû avoir à présenter à Mgr L'Electeur palatin un éxemplaire relié; si Monsieur Cramer veut avoir la bonté de m'en envoïer un, je lui serai très obligé.

Je crois qu'il est nécessaire de tirer au moins deux cent cinquante éxemplaires du petit mémoire envoié de Paris touchant Fréron; il importe à la société que cet homme soit connu à Paris et dans les provinces, et que ses feuilles soient décriées. Monsr Cramer y est d'autant plus intéressé que j'espère lui procurer avant qu'il soit un mois, l'impression du journal Enciclopédique.

Bardin m'a envoïé une petite brochure intitulée, Dialogues chrétiens: Vôtre professeur Vernet, Docteur en Théologie, est cruellement déchiré dans le second dialogue, c: à d: qu'il est peint trait pour trait; je sçavais une partie des petites anecdotes raportées dans ce 2d Dialogue; mais je ne sçais point ce que c'est que son avanture àpropos du Livre de la vie heureuse de La Métrie, dont il est question; l'éditeur s'est avisé de mettre un gros Mr V . . . . à la tête de cette brochure; il aurait dû plutôt en faire honneur à mr C . . . .. Je n'aime point du tout que le singe me prenne pour le chat, et qu'il se serve de ma patte pour tirer les marons du feu; ce n'est pas que je ne sois fort aise avec tous les honnêtes gens que ce Vernet soit vilipendé, c'est un homme, pour qui j'ai, comme vous, le plus profond mépris; et si jamais je le rencontre devers Tournay, je lui en donnerai des preuves, mais je ne veux point d'un honneur que je ne mérite pas, et je ne veux pas absolument qu'on prènne le C . . . pour le V . . . . Il y a répétition vers les trois heures à Tournay. Si je peux envoier un carosse j'en enverrai un. J'embrasse de tout mon cœur Caro Gabriele.

Jeanne L'abandonnée se lamente de n'avoir pas d'anciens Romans pour sa préface; et l'histoire générale a besoin de la perpétuïté de la foi, et de la réponse du ministre Claude. Ista debuit facere, et illa non omittere. Quid novi hodie manè?