1722-06-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marguerite Madeleine Du Moutier, marquise de Bernières.

Je resterai encor sept ou huit jours à Vilars où je bois du cidre et mange du ris tous les soirs dont je me trouve fort bien; messieurs des gabelles peuvent bien retarder leur afaire de huit jours.
La personne que vous savez a parole réitérée de mr le régent pour la plus grande afaire. Vous devriez bien remettre le soupé à mon retour. Je suis fâché de la justice qu'on a rendue à la petite Livri. Si on faisoit dans tous les corps ce qu'on vient de faire à la comédie, il me parait qu'il resterait peu de monde en place. Je fais à peu près la même réforme dans mon poëme; je suis occupé à en chasser tous les mauvais vers. C'est une opération un peu longue, mais j'espère que je la terminerai à la Riviere Bourdet. Je vous fais mes complimens de la vie dissipée que vous menez; je voudrois bien en pouvoir faire autant, mais dans le malheur où je suis d'avoir une santé et une tête de linotte, je ne pouvois avoir de plus grande consolation que la bonté que vous avez eüe d'éguaier mon régime par la compagnie que vous m'avez tenue à Paris; vous pouvez compter que je n'oublierai de ma vie Les marques que j'ai reçues de votre amitié et que je vous serai toujours très tendrement attaché.