Paris 20 janvier 1840.
Mon cher ex-associé, j'écris à M. Vieux et vous prie de remettre la lettre que vous trouverez ci-jointe pour lui, à M. Tubergue qui la lui fera parvenir à lui ou à Mlle Vieux.
Je viens, sur votre lettre du 10 janvier, de régler mon budget; je vous paierai au 1er avril prochain, pour intérêts de la somme de 8,280 fr. 50 à 2 1/2 p. 100 échus au 1er novembre dernier, plus, pour intérêts de la même somme à 5 p. 100, depuis cette époque au 1er février 1840, intérêts dont je vous dois la moitié, la somme de 180 fr. 80 c. Vous devez comprendre ce qui m'empêche de vous les payer auparavant; ainsi, si vous voulez disposer sur moi au 10 avril, je vous en donne toute liberté. Dans ce cas avertissez-moi avant le 25 mars.
Je n'ai pas un sou à vous donner à compte sur le principal et je m'ôte le pain pour vous payer les intérêts. Si vous aviez en main un moyen quelconque de vendre, au lieu de payer rien ni à vous ni à personne, je me laisserais tranquillement exproprier, après quoi je prendrais les moyens d'indemniser par la suite mes créanciers. Si vous avez besoin d'argent, plus que je ne puis le croire, j'ai encore plus besoin de liberté, et si je tiens à m'acquitter envers vous pour remplir, autant qu'il est en moi, ma parole, je tiens encore plus à m'affranchir. Ainsi tout se réunit pour vous prouver que je ne demande pas mieux que de vous désintéresser.
Parent-Desbarres me doit 200 fr.; quand j'ai été pour me faire payer, il m'a offert des livres, sous prétexte qu'il perdait déjà lui-même 30,000 francs dans une entreprise à laquelle il ne fait que prêter son nom, et quand je me suis présenté pour avoir des livres, il m'a tourné le dos. J'ai sa procuration dans la famille Perrenot; j'en ai chargé Plumey à qui je vous prie de recommander, à l'occasion, de n'expédier aucun fonds à Parent-Desbarres sans m'en donner avis.
Je ne désespère toujours pas de Foucaut; il se décidera d'ici au mois de juin, ou bien je ne le reverrai plus.
Très-certainement, de quelque manière que ce soit, l'année 1840 verra la fin de mes embarras; je ne demande qu'un répit de trois mois.
Je vous souhaite la bonne année et des débiteurs solvables.
Votre ex- associé,
P.-J. PROUDHON.