Besançon 22 octobre 1839.
Mon cher Ackermann, de crainte de malheur, j'ai chargé M. Dessirier, par une lettre renfermant un mandat de 180 francs qu'il doit avoir reçue, de vous remettre 120 francs. Si vous le voyez avant que je lui récrive, je vous prie de le charger de ma part d'une petite commission : ce serait de passer dans mon ancien hôtel et de s'informer si je puis y rentrer dans quinze jours aux conditions de l'année dernière, c'est-à-dire la même chambre, au même prix; sinon, je n'y retourne pas. Il faudrait encore considérer, dans le cas où vous me laisseriez votre bibliothèque en garde, si elle y peut être logée.
Dessirier voudra bien s'occuper de ces détails, j'en suis certain ; j'arriverai du 8 au 11. Qu'il ait donc soin de ne pas se déranger ces jours-là, afin que, le cas échéant, je puisse partager son lit pendant une nuit ou deux.
On ne dit plus, en parlant du journal qui s'imprime ici, que les Séquanais ou Séquanois. La dispute a fait fortune pour la plaisanterie : chacun en glose sans y rien comprendre.
Demain, je vais mettre en pages mon Mémoire : j'y ai fait d'assez nombreuses corrections de style ; il y avait surabondance et luxe. L'un de mes juges s'était plaint d'un peu de verbosité par endroits : j'ai reconnu qu'il avait raison et je me suis fait justice. Vous verrez. Pour les idées, je maintiens ce que j'avance et je le renforce. Jamais je n'ai cru plus fermement avoir raison. Amen.
Je dîne aujourd'hui avec Mauvais chez M. Viancin, à Guillemouton. On espère ici que vous réussirez en Prusse ; on dit que vous avez tout ce qu'il faut pour cela. J'aimerais mieux que dans chaque pays on gardât ses richesses et ses hommes et qu'on n'attendit pas pour servir un homme de coeur qu'il n'eût plus besoin d'assistance.
Adieu, à revoir,
P.-J. PROUDHON.