Paris 27 février 1839.
Mon cher Huguenet, je ne puis trop me hâter de vous répondre.
Courez vite chez M. Proudhon, mon cousin, et priezle de ma part de brûler la lettre d'excuses qu'il recevra de moi pour M. Tourangin; j'ai cru que vous aviez mis le feu aux quatre coins du département.
Je suis de l'avis du pamphlétaire presque en tout : c'est un brave, bien que médiocre philosophe, et faible raisonneur. Je suis bien plus avancé que cela.
Micaud recevra son savon dans la huitaine.
Mon Mémoire est enfin terminé et déposé à l'Institut. Le résultat que j'en attends, c'est un jugement de M. Jouffroy, le député de Pontarlier ; j'ai tout lieu de croire qu'il en sera très-content, et qu'il me donnera la place que je mérite.— Pour les membres de la commission, je serais bien étonné qu'ils m'accordassent le prix. Il faut, pour un concours de philologie, plus que je ne donne; mais ce qui me tient au coeur, ce sont mes vues de philosophie; voilà pourquoi j'ai sollicité le jugement du philosophe.
Ne laissez pas dormir l'affaire de mon brevet ; je resterai imprimeur quoiqu'on dise, et je vous recommande, pour quelque temps encore, de n'avoir point la mine d'y croire. J'espère ne pas laisser M. Droz dans une longue inquiétude à cet égard.
Ackermann voulait d'abord concourir avec moi; il s'est retiré. Il a peur de n'avoir pas le prix. C'est un fort bon garçon, mais son amour-propre et son ambition me font trembler.
Soyez exact une autre fois à tout déposer ; surtout point de clandestinité pour quoi que ce soit ; y eût-if 1,000 écus à gagner.
Si j'étais prompt à prendre l'alarme, on m'en a dit assez pour me faire prendre la porte, et aller me jeter aux pieds de la cour et du préfet.
Je veux voir aujourd'hui ce terrible auteur.
Adieu.
P.-J. PROUDHON.
En attendant, n'oubliez rien pour éviter l'amende, ni démarches, ni explications.
Vous avez agi en tout comme j'aurais fait moi-même, j'aime qu'on parle en homme.
Je vais mettre la main à mon pamphlet aussi ; malheureusement, il aura bien 500 pages, ce qui le rendra moins dangereux. Ce sera bien un autre tapage, je vous assure, si on a peur d'une innocente rêverie comme celle de M. Rohier.