1822-04-21, de Félicité de Lamennais à Mademoiselle de Tremereuc.

Ce m'est, je vous assure, une grande joie, ma bien bonne amie, que de recevoir de vos nouvelles, et j'en dis autant de nos deux autres amies. Pour moi, je pense à vous souvent, je regrette d'être si loin de vous, de ne plus vous voir, de ne plus vous entendre, de ne plus vous parler, ce qui était si doux et si bon. La Providence l'a voulu ainsi. Je reconnais tous les jours qu'il était d'une grande importance pour mon travail qu'il fût achevé au milieu de mes livres. Mais si vous saviez combien je suis las de cette stérile fatigue ! Je dis stérile pour la terre, où je n'attends que de nouvelles calomnies, de nouvelles persécutions ; mais j'espère que le bon Dieu, au moins, me saura gré de mes intentions, que je crois droites. Mon travail des quatre derniers mois n'a pas été perdu ; il a servi à ramener à la Religion un de mes amis, homme de mérite, et d'un caractère froid et ferme, ce qui me fait espérer qu'il persévérera. Je suis bien aise que vous vous occupiez avec la bonne Minette de recueillir vos souvenirs sur la vie de notre excellent Père. Quand vous aurez fini votre travail, peut-être serai-je en état de commencer le mien.

Mon avis pour Augustine1 est qu'il ne faut ni trop presser ni trop retarder sa première communion. Je pense qu'on pourrait la préparer pour Pâques prochaines. Mon frère doit être ici le 29. Je ne sais combien de temps il y restera; peu sans doute. Il a toujours je ne sais combien d'affaires à Saint-Brieuc. Je n 'ai pas l'intention d'aller l'y voir, à cause de mon dégoût pour les voyages et du temps que celui-ci me ferait perdre. Je voudrais bien que vous et Mlle de Villiers vous puissiez vous donner rendez-vous à la Chenaie. Voyez si cela ne serait pas possible. L'abbé Le Tourneur m'avait presque annoncé son arrivée pour cette semaine. Je ne lui écris pas, parce que je crains que ma lettre ne le trouve plus à Paris. S'il y était encore, veuillez lui dire que je l'attends, ou lui écrire deux mots pour l'encourager dans sa bonne résolution.