[p. 2] Tanger, 25 janvier
J’arrive maintenant à Tanger. Je viens de parcourir la ville. Je suis tout étourdi de tout ce que j’ai vu1. Je ne veux pas laisser partir le courrier, qui ira tout à l’heure à Gibraltar, sans te faire part de mon étonnement de toutes les choses que j’ai vues. Nous avons débarqué au milieu du peuple le plus étrange. Le pacha de la ville 2 nous a reçus au milieu de ses soldats. Il faudrait avoir 20 bras et 48 heures par journée pour faire passablement et donner une idée de tout cela. Les Juives sont admirables. Je crains qu’il soit difficile d’en faire autre chose que de les peindre : ce sont des perles d’Eden. Notre réception a été des plus brillantes pour le lieu. On nous a régalés d’une musique militaire des plus bizarres. Je suis dans ce moment comme un homme qui rêve et qui voit des choses qu’il craint de voir lui échapper.
Adieu, je ferme. Communique à Félix. Je vous embrasse tous.
Eugène