[p. 1] Ce samedi 16
Vous m’aviez bien promis de me donner de vos nouvelles, mon cher ami. Vous devez être bien content d’être à la campagne, quel magnifique temps1 ! et que vous devez faire de ravissantes promenades. À Paris, la poussière et la chaleur deviennent insupportables : je me réfugie au bois de Boulogne qui est toujours frais et charmant. Mon petit chalet va être terminé la semaine prochaine, ce qui m’amuse beaucoup2. J’espère que votre santé se trouve bien de votre solitude, avez-vous encore cette fatigue quand vous parlez ? Enfin, écrivez-moi [p. 2] comment vous vous trouvez.
Nous sommes bien inquiets et bien affligés de la santé de notre pauvre ami M. Vieillard 3 : il commençait à se lever et à prendre quelques potages, mais sans ressentir aucune amélioration ; cependant M. Rayer le disait mieux4. Depuis deux jours le mal a empiré et hier soir, il avait fait d’énormes progrès : il n’y a plus d’huile dans la lampe ! Nous sommes bien affligés, les pauvres Cerfbeer sont désespérés ! et nous regrettons vivement cet excellent ami ! Mon Dieu, que la vie est triste, la perte de tous ceux que l’on aime et des mécomptes si cruels !
J’avoue que bien souvent, je n’ai plus de force, ni de courage pour [p. 3] supporter tant d’ennuis et tant de chagrins ! Mais je ne veux pas, mon ami, vous fatiguer de mes plaintes, vous savez que la plus grande consolation pour moi est de vous savoir bien portant. Vous devez avoir fini les arrangements de votre maison dans le fg St-Germain 5.Vous serez bien loin de moi, mon cher ami, mais vous serez bien logé, et c’est l’important.
J’envoie savoir des nouvelles de notre pauvre ami : il est 9 heures du matin, il est beaucoup plus mal ! Hélas ! je crains bien qu’il n’y ait plus d’espoir !
Adieu, cher ami, je vous embrasse bien tristement et bien tendrement. Je vous écrirai demain ou après-demain, en attendant recevez toutes mes tendresses bien tendres.
Bne de Forget.