[p. 1] Ce mercredi 1
J’espérais vous voir samedi dernier, mon ami, et puis le lundi d’après je me faisais une grande joie de passer une aussi délicieuse soirée que la dernière, au clair de la lune et au milieu de ce joli bois de Boulogne, mais ses instants de bonheur sont bien rares dans ce monde ! j’approuve fort d’ailleurs votre projet d’aller vous reposer à votre campagne, cette chaleur est si épouvantable que vous n’auriez pu continuer votre travail ; et même au milieu des champs et du bon air vous devez souffrir beaucoup de cette chaleur persistante. Moi, j’étouffe, je ne sors pas [p. 2] de toute la journée, je lis, je travaille, j’écris, mais je m’ennuie à mourir ! Le soir, je tâche d’aller respirer en voiture, et la nuit, je dors fort mal.
Si vous venez samedi prochain à Paris, venez dîner avec nous, mon cher ami, je serai bien heureuse de vous revoir ; si vous retournez le soir à Champrosay, vous passeriez votre soirée dans mon jardin, et je vous reconduirais le soir à votre chemin de fer.
Je sais que vous avez été voir notre ami M. Cerfbeer, que vous avez dû trouver bien changé !
Que faites-vous à la campagne ? Pouvez-vous un peu travailler ? Mais vous êtes chez vous, et vous devez avoir mille petites choses à faire ; que je serais aussi heureuse d’avoir un petit coin, à la campagne, dans [p. 3] un beau pays, mais j’ai tant de monde à traîner après moi, que ce projet me paraît impossible à réaliser. Maintenant, je me félicite d’être à Paris, où je suis bien grandement, et bien fraîchement à cause de mon jardin, mais août et septembre seront bien durs à digérer !
Pardonnez-moi mes plaintes, mon cher ami. Soignez votre santé, reposez-vous, ne buvez pas trop par cette chaleur, pensez quelques fois à moi et recevez toutes mes tendresses de cœur.
Je vous embrasse bien tendrement, et je vous prie de me prêter, lorsque vous viendrez à Paris, la livraison du 1er juillet de la Revue des deux mondes, la 2e partie d’un article de Mme Charles Reybaud L’Oncle César 2.
Adieu encore, ami. À vous de tout cœur.
Be de Forget.
[p.1bis] Ne m’écrivez pas pour me dire que vous viendrez dîner samedi, votre couvert sera toujours mis.