[p. 1] Ce mercredi 31 1
Mon cher ami,
J’ai passé chez vous hier pour savoir de vos nouvelles et si vous étiez de retour de la campagne : dans ce cas-là, je venais vous proposer une place dans ma loge aux Italiens samedi prochain pour entendre Le mariage secret que vous aimez beaucoup, si on le donne comme je l’espère un peu2. D’après ce que votre concierge m’a répondu je n’espère pas vous voir avant longtemps peut-être. Nous avons eu de bien beaux jours, mais depuis hier [p. 2] le temps devient froid, et il ne faut pas trop nous plaindre puisque nous entrons en hiver ; aussi, cher ami, est-il bien raisonnable à vous de faire tous les jours le voyage en chemin de fer, qui est fatiguant par le froid, où vous pouvez attraper un froid, un courant d’air, et vous savez combien un rhume vous retient longtemps chez vous ? La fatigue aussi est bien mauvaise, et ne prenez-vous pas la force pour le désir de travailler et de terminer votre église 3 ? Enfin, cher bon ami, pas d’imprudences, je vous en conjure. Écrivez-moi quelques lignes pour me donner de [p. 3] vos nouvelles. Mon fils est toujours en Auvergne, où il se plaît beaucoup plus qu’ici : aussi je suis bien seule, bien ennuyée, mais c’est mon lot dans ce monde ; il faut non s’y habituer, mais s’y résigner !
Adieu, cher bon ami, je vous embrasse de tout cœur et vous envoie milles bonnes tendresses.
Be de Forget
Nous ne serons que quatre personnes dans ma loge aux Italiens, ne me faites rien dire, mais si on donne le spectacle que vous désirez et si vous êtes revenu à Paris, demandez le n°11 de l’année dernière et je serai bien enchantée de vous voir.
Adieu encore.