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Je regrette vivement, mon ami,
que vous ne m’ayez pas écrit mercredi que vous étiez engagé pour aujourd’hui : moi-même j’ai
disposé mes soirées pour plusieurs jours, comptant vous voir ce soir.
Demain samedi, j’ai invité la belle-sœur d’Hortense,
pour aller le soir au spectacle. Dimanche, je compte aller chez Mme de Crepieux1, et lundi, je dîne chez les Beauharnais2. Si vous êtes libre
mardi prochain, venez dîner avec nous : cela fera neuf jours sans se voir, il est cruel
d’être ainsi privé du bonheur de se voir souvent, lorsqu’on habite la même ville… mais que
voulez-vous ? La vie est ainsi faite, il faut la subir comme elle est ; quant à moi, j’en
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suis fort lasse, je me suis ennuyée à mourir depuis que je ne vous ai vu, et de plus,
j’ai été souffrante. J’ai voulu vous éviter de l’ennui et de la fatigue, en vous écrivant de
ne pas venir hier soir, et j’ai bien fait puisque vous vous êtes reposé, et vous en aviez
grand besoin. Je suis enchantée que vous vous portiez bien, et que tous vos excès ne vous
fatiguent pas, faites en tant que vous pourrez ; hélas ! la vie est si longue qu’il faut
tâcher de l’abréger en s’amusant le plus que l’on peut.
Adieu, mon ami, à mardi donc, si vous vouliez me voir avant, un mot, et j’irai vous voir dans la journée, mais vous savez que de moi-même, je risque peu ces escapades, craignant trop de vous gêner.