1856-08-19, de  Forget, Joséphine de à  Delacroix, Eugène.

Il y a bien longtemps, mon ami, que vous ne m’avez écrit. Heureusement que j’ai su de vos nouvelles : votre retour à Paris pour recevoir votre vieux cousin 1, votre long et pénible travail 2, et par conséquent aucun moment à donner à vos amis. Je voulais toujours, lorsque je vais à Paris, courir un instant pour vous demander de vos nouvelles, mais j’y reste si peu de temps que je me trouve en retard pour toutes mes affaires. Lorsqu’on a commencé mes réparations, rue de La Rochefoucauld, on a trouvé tant de choses en mauvais état qu’il a fallu [p. 2] faire des travaux énormes et impossible de rester à Paris 3. J’ai bien cherché dans les environs ; enfin, à Saint-Germain, j’ai trouvé à louer une petite maison, assez laide mais commode et ayant un petit jardin : le pays est joli, sain, et il y a de délicieuses promenades. Écrivez-moi pour me donner de vos nouvelles : comment avez-vous supporté ces accablantes chaleurs ? N’avez-vous pas le projet de voyager un peu ? Enfin, que je sache ce que vous faites, ce que vous devenez, je ne puis rester aussi longtemps sans avoir de vos nouvelles. Moi, je me porte bien, ce séjour de la campagne m’a fait grand bien car à Paris [p. 3] j’étais souffrante et très fatiguée de tout ce tapage de la maison que j’ai supporté pendant près d’une quinzaine de jours. Si vous saviez combien cette pauvre maison est bouleversée, j’en ai été effrayée : il a fallu retoucher à tous les appartements. Maintenant que je suis un peu calmée, je me réjouis fort de tous les embellissements nécessaires que je fais faire4. Je suis fort contente de mon architecte.

Est-ce que Mme de Rubempré est ici ? Je n’aperçois pas M. de Mareste dans mes courses au chemin de fer.

Mon fils Eugène est venu passer quelques jours ici mais il est reparti pour son Auvergne.

Lorsque j’irai à Paris, [p. 4] et que j’aurai un instant à disposer, si je ne vous dérange pas, mon ami, j’irai vous dire un petit bonjour, et je serai bien heureuse de vous voir.

En attendant, recevez toutes mes tendresses.

Baronne de Forget

Vous seriez bien bon de m’envoyer quelques Revues des Deux Mondes rue de La Rochefoucauld, pour lire ici. Lorsque vous voudrez mes revues britanniques, je vous enverrai toutes celles que j’ai.

Adieu encore, cher ami, ne m’oubliez pas tout à fait.