1808-07-28, de Alphonse de Lamartine à Aymon de Virieu.

Mon cher ami,

Je suis extrêmement en peine de toi : voilà près de trois mois que je n'ai eu de tes nouvelles, et tu m'avais cependant promis d'être si exact à m'écrire! Tu ne t'imagines pas combien j'en suis affligé, ni tout ce que je roule de sinistre dans ma tête. Est-ce que tu serais capable d'oublier le plus ardent de tes amis? Est-ce que les nouvelles amitiés que tu as sans doute déjà formées à Paris l'auraient fait oublier les anciennes qui seront toujours les meilleures? Je ne puis le croire, ni cependant m'empêcher de le craindre. Tire-moi bien vile, je t'en prie, d'une telle inquiétude. Tu ne sais pas tout ce qu'elle a de cruel pour moi : placé bien loin de toi par les circonstances, voyant tous les jours de nouvelles barrières qui s'opposent à l'exécution de mes projets, contrarié par la fortune dans la plupart de mes désirs, ma seule jouissance est dépenser que j'ai un ami dans le monde. Que deviendrais-je si celle pensée n'était plus qu'une illusion! D'un autre côté, j'appréhende que tu n'aies pas reçu mes deux dernières lettres et que tu n'aies soupçonné que je t'oubliais aussi. J'ai cependant mis exactement ton adresse telle que tu me l'as envoyée à ton arrivée à Paris. Si tu m'écris, ta lettre ne me trouvera probablement plus ici : je serai à Dijon où je vais passer un mois. Cependant adresse toujours ta lettre à Mâcon, on me la fera parvenir. Que te dirai-je de plus? J'ignore encore si tu recevras ma lettre.

Adieu, crois-moi le meilleur et le plus tendre de tes amis.

ALPH. DE LAMARTINE.