à Ferney 13^e May 1778

Monsieur mon très cher maître,

Je vous donne avis que vous adresse aujourd'hui par M^r De Vaines un Pascal Cond: et un exemplaire de la Bib.

Vous trouverez cy joint la note des titres de ce que l'on vous doit.

Personne ne m'a donné de l'argent encor que Favre mari de La Dine, tous les autres me prient d'attendre, et surtout à l'arrivée de M^r Racle. Tous sont dans la consternation dans l'idée qu'ils se font de n'avoir plus le bonheur de revoir leur père, dont la présence était pour eux comme est le soleil pour la terre. Ces maudits genevois les croiant abandonnés ne leur accordent plus aucun crédit. Je vous assure, mon cher maître, que celà me navre de douleur. Je suis bien sûr que vôtre cœur en sera pénétré, il ne poura s'empêcher d'aimer toujours Ferney, ce beau monument que vous avez élevé à vôtre gloire et à vôtre humanité, et que vous achêverez sans doute.

Pour moi je console et je proteste à vos colons qu'ils auront le bonheur de vous revoir au milieu d'eux. Leurs larmes de reconnaissance me touchent, c'est un beau tribut paié à vôtre bienfesance; je pense ce que je leur dis.

J'envoie à M^r Sherer par ce courier un groupe de quatre cent Louis d'or, restant de celui que je retirai de chez M^r Souchay. J'en garde soixante et dix huit pour aider à paier tout avec ce que je retirerai, outre ce que j'ai déjà livré, et dont je tiens une note éxacte avec les reçus pour vous les présenter.

On se refroidit beaucoup pour affermer le rural, mais j'espère pourtant y parvenir. J'attends impatiemment le moment d'avoir fini tout ce que je pourai de vos affaires, pour avoir le plaisir et le bonheur d'aller vous rejoindre. Puissai-je apprendre que vôtre santé est un peu suportable, pour calmer les inquiétudes de mon tendre attachement pour vous, qui rendent ma vie fort triste.

Si vous avez encor quelques ordres à me donner je vous suplie de me les envoier au plutôt.

Vos Livres, et l'argenterie sont emballés.

Que faut-il faire de vôtre buste venu de Rome qui n'est point déballé, et qui forme un très gros ballot?

A qui dois-je adresser les livres, et quelles précautions dois-je prendre? Il y a quatre caisses avec les livres à Madame Denis.

Ma femme, Mimi, et vôtre petit Wagniere, sont aux pieds de Madame Denis et des vôtres.

Je suis avec le plus profond respect

Monsieur mon très cher maître

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Wagniere