1778-05-16, de Jean Louis Wagnière à Marie Louise Denis.

Madame,

A la réception de la Lettre dont vous m'avez honoré du 8 de ce mois, j'ai tout de suitte trié les livres que vous demandez; je les joindrai avec tous les autres; et j'attends les ordres de Monsieur De Voltaire qui m'indiquent la voie que je dois prendre pour les livres, et à qui je dois les adresser pour qu'ils arrivent en sûreté.
Je remettrai à Mr Dupuits les volumes de Mr Buffon.

Il s'est trouvé dans vôtre armoire une partie de lit de moëre, et une pièce de la même étoffe qui tire vingt aunes. Nous ne savons point s'il faut vous envoier tout celà. Je serais fort embarassé pour la pièce et cette partie de lit neuf. Je verrai pour vos autres choses neuves de tâcher d'en faire plusieurs paquets que j'adresserai à Mr Vasselier, et ensuite on les joindra ensemble pour les envoier de Lyon à Paris en un ballot.

On est après à placer vôtre carosse sur le train de Paris. La vaisselle est emballée, on lessive le linge.

Je fais ce que je peux pour affermer la terre; on ne m'en offre que trois mille cinq cent Livres y compris les jardins. Je suis très embarrassé. Il n'est pas en conscience possible de la donner pour ce prix; Les censes, les Lods et ventes et les bois n'y seront pas compris, car il ne faut pas qu'un fermier puisse écraser les vassaux. On m'avait d'abord dit qu'on donnerait 4450 ͞de la terre et des jardins, mais on n'est point revenu, et on n'a pas voulu venir me parler depuis. Si je peux avoir quatre mille Livres je crois que je ferai le marché à moins que vous, Madame, et Monsieur De Voltaire ne me donniez un contre ordre. La tête me tourne de toutes les affaires.

Je vous envoye cy joint une quantité de comptes pour vous. Je ne connais rien de toutes ces affaires; je vous prie de les éxaminer, de mettre vôtre avis au bas de chacun. Vous devez en outre les gages de st Jean et de la Perrachon et 27lt à Made Mallet, et pour paier tout celà je n'ai pas le premier sou. Ce que vous doivent Auziere, Servand, Mr De Crassy ne suffira pas à beaucoup près pour vous libérer. Je n'en aurai pas assez non plus pour libérer Mr De Voltaire. Je ne sçais que devenir. Aiez la bonté de me renvoier d'abord tous les comptes et vos ordres sous le contreseing de Mr D'Ogny, afin que je puisse repartir.

Vous me consolez, Madame, dans mes inquiétudes par ce que vous me dites que vous daignez me conserver vôtre amitié, je ne la mérite que par mon attachement pour vous et pour Monsieur De Voltaire, je me suis toujours regardé comme vôtre enfant à tout deux et j'en ai les sentiments. Ma femme et Mimi les partagent et sont à vos pieds.

Je suis avec un profond respect

Madame

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Wagniere

J'ai demandé à Mr De Voltaire ce qu'il fallait faire de son buste de Rome, qui est toujours emballé.