1778-05-18, de Marie Louise Denis à Jean Louis Wagnière.

Mon oncle a été un peu fâché, Mon cher ami, des asperges que vous lui avez envoié.
Elles sont arrivées pouries. C'est une denrée qui n'est pas rare dans ce pays. Il aurait mieux aimé une caisse des papiers dont il a besoin et c'est abuser des bontés de Mr D'Ogny.

Mr Rieux m'a écrit, il mande que l'on veut acheter mon piano forté. J'aime autant le vendre parceque j'en retrouverai un icy aussi bon. Il m'a coûté vingt Louis, je voudrais n'y pas perdre ou dumoins vous pouvez faire, ou je peux y perdre un Louis ou deux tout auplus. Cet argent vous servira pour paier une partie des choses que je dois Labà.

Mr Racle ne m'a point parlé des dixhuit louis de Mr Decrassy. J'en ai besoin à Ferney, je vous suplie de les lui demander. Il me doit deux années d'arrérages et vous savez que je suis dans un moment où j'ai grand besoin d'argent. Faites vous donner un mémoire de tout ce que je dois et paiez le je vous prie.

Le départ de la fafe de Bardy m'indigne. Nous n'en voulons entendre parler ni mon oncle ni moi et nous ne la recevrons pas chez nous.

J'ai reçue une lettre de la Perrachon qui me fend le coeur. Elle me parait désespérée de me quitter, ainsy je la reprendrai. Il faut que vous la rameniez dans ma Berline avec votre lingère, mon oncle en est convenu, nous prendrons La Lingère pour femme de Charge.

Souvenez vous de m'aporter deux paires de bras de Cheminée dont il y en avait une dans mon harmoire, deux paires de chenets, ceux de ma chambre, ceux du sallon dont vous laisserez les grilles. Il faudrait aporter aussi quelque porcelaine mais il faudrait m'embaler cela par des gens intelligens et du métier, savoir si vous en trouverez à Genève.

Il nous faudrait ces beaux groupes de porcelaine que nous mettons sur le dessert; je crois qu'il y en a trois, quelques douzaines d'assiètes de porcelaine, vous en trouverez dans l'harmoire de mon apartement. La Pérachon vous dira où cela est. Ma belle écuelle de porcelaine qui est dans l'harmoire de tabac, un joli tabaret fond vert, toutes les petites figures qui sont répandues dans le sallon et deux belles térines de porcelaine que nous devons avoir. Mais il faut que cela soit emballé proprement, sans cela tout serait perdu. La Pérachon trouvera tout cela.

A l'égard de la vaisselle aportez nous tout ce qui est à mes armes et vous aurez une vaisselle complette. Où mettrez vous celle que vous laisserez à Ferney? Je crois qu'il ne serait pas prudent de la laisser au Château.

Adieu mon ami, mon oncle a eut une strangurie qui a été assez forte. Il est un peu mieux mais se plaint toujours. Si vous affermez Ferney n'y comprenez pas le bois ou nous sommes perdus. Consultez sur cela Mr Dupuis. Il m'a écrit une lettre très raisonnée et que mon oncle à fort aprouvé. Nous prions Madame Vagniere de nous mettre du bois gentil dans la malle, nous lui serons très obligés. Dites lui que je l'aime de tout mon coeur, que j'espère qu'elle nous viendra voir et que j'irai la voir aussi, embrassez la pour moi et ne doutez pas mon cher ami de mon amitié pour vous qui est inaltérable.

Denis

Je vous assomme de ports de lettres mais je vous les rendrai tous à votre arrivée. J'espère que nous serons dans notre maison vers le quinze du mois prochain.

Nous faisons une réfléxion, ce serait de nous envoier Jean François pour chercher le carosse. Il faudra choisir les quatre meilleurs chevaux de l'écurie pour l'amener, nous garderons les deux meilleurs et nous vendrons les deux autres.