4 mai 1778
Mon cher ami, je vous crois arrivé et j'espère que vous aurez trouvé votre femme et votre fille en bonne santé.
Pour moi je suis tombée malade le jour de vôtre départ. Mon rhumatisme dans les reins m'a repris, il m'a occasionné des spasmes dans l'estomac. Cela va mieux mais je n'en suis pas quitte et il faut espérer que je serai guérrie tout à fait quand les chaleurs viendront.
Je suis inquiette de Mr Rieux, je lui ai confiée en partant tous mes papiers précieux tant en affaires qu'en littérature. Je lui ai écrit il y a quinze jours, outre la lettre que je vous ai donnée pour lui et je n'ai point eu de ses nouvelles. Voiez je vous prie si mes papiers sont partis comme je l'en avais chargé ou, si ils ne le sont pas, faites en une mâlle et adressez les à Mr Denis, premier président du bureau des finances, rue des Deux Portes St Sauveur, vis à vis la rue Baurepaire, et tout ce que vous m'adresserez envoiez le toujours à Mr Denis parcequ'il a un grand magasin et qu'il y mettra tous nos meubles jusqu'à ce que nous puissions les placer dans notre maison.
Je vous prie de m'envoier tout ce que vous pourrez en petits meubles. Vous trouverez à l'oeil de Beuf deux bras de Cheminée à deux branches, vous trouverez quatre paires de rideaux de taffetas cramoisi et blanc dans l'harmoire de ma chambre, mon rouet, de la soie à filer, de la soie filée, de Beau lin filé et sans filé, les chevaux des chenets du grand cabinet, les pommes des pelles et des pincettes, quatre petits rideaux que vous trouverez dans l'harmoire du Linge. Mlle Agnès prie mde Vagniere d'avoir soin du grand rouet car je n'ai point renoncée à retourner à Ferney.
A l'égard du peu de Linge de table que j'ai je crois qu'il faut le laisser dans l'harmoire parce que en cas que nous retournions cela se trouvera toujours. La Perrachon vous donnera le mémoire de ce linge de table dont nous avons emporté trois paires de draps de maitre, et trois draps de domestique. N'oubliez pas mon piano forté, une couverture de bazin qui est à L'oeil de Beuf, enfin toutes mes hardes et tout ce que j'ai. La Perrachon a beaucoup de chemises neuves à moi que je compte qu'elle a faittes pendant mon absence. Il faut me les envoier faites ou non faites. Il faut se ressouvenir de m'envoiër un vieux parement de dentelle et celui de gaze qui est tout neuf. Enfin tout ce que j'ai..
Il y a des choses neuves comme une pièce de Bazin des Indes blanche, un Bazin des Indes brodé en couleurs, trois pièces de Batiste. Il en faudra faire de petits paquets que l'on enverra à Mr Vasselier.
Mr Decrassy me doit deux années, il me mande qu'il me les fera tenir à Paris, priez le de vous les donner parce que cela vous servirait à païer quelques dettes. Je dois à Mr Souchet mais peu de chose, à Mr Coladon aussi, quelque chose à mde Dupié, made de modes, à mde Dunan je ne sais quoi, quelque chose au sellier. Je ne païe point le porte manteau, il me semble qu'il est juste que mon oncle paie. Enfin mon cher Vagniere tire moi d'affaire comme tu pourras, adressez tout tant pour moi que pr mon oncle à Mr Denis parce que mon oncle paiera tout et que nous ne saurions ou met[tre] nos paquets ici. Portez vous bien, nous vous aimons toujours, faites de votre mieux et revenez dès que vous le pourez.
Apropos Bardi tourmente mon Oncle pour faire revenir sa femme. A quoi cela serait il bon? Elle est incapable de rien, notre lingère est indispensable. Il faudrait en écrire un mot à mon Oncle. Adieu, je vous suis et à votre femme attachée pour la vie.
Mainssonnat enbrasse Monsieur et Madame Vagnière et prie le premier de voulloir bien ne pas oublier son extrait de Bapthème.