1778-05-19, de Jean Louis Wagnière à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur mon très cher maître,

J'ai reçu hier vôtre Lettre du 13.
Elle me désespère en m'apprenant que vôtre mauvaise santé augmente aulieu de s'améliorer. J'espérais que vôtre air natal vous aurait été bon, et je vois que c'est tout le contraire.

Je suivrai les ordres que vous me donnés, Porami et ma femme veilleront avec tout le zèle possible à vos intérêts. Elle fera vendre ou vendra les denrées qui vous deviennent inutiles, et en tiendra régistre.

Tous vos livres sont emballés, ainsi que les affaires à Madame Denis et le linge.

Je reçus hier une Lettre de Mr D'Ogny qui m'accuse la réception dupaquet de vos papiers d'affaires, sur lequel vôtre silence m'inquiétait.

J'espère que vous avez aussi reçu les papiers de Littérature, avec une boëte de vos asperges.

J'attendrai vos derniers ordres pour l'adresse de vos livres, parmi lesquels j'ai mis l'almanac royal. J'enporterai avec moi les saisons.

Le nommé Janin qui avait loué la maison Olivier à décampé nuitamment, et les cavaliers de maréchaussée sont venus avec un ordre du Roi pour le prendre; il était faux monoieur, associé avec d'autres. On a trouvé et emmené à Gex tous les instruments. Ils avaient travaillé de ce métier à Karouge, et le Roi de Sardaigne en avait averti le Roi de France.

Bétems en fesant signifier qu'il voulait racheter son pré n'a point fait offre, ni n'a point déposé d'argent, dont je suis bien fâché; je lui aurais sur le champ relâché le fond.

Ce maraut aiant obtenu une sentence envoia un huissier pour qu'on lui paiât sur le champ 162£ pour le prix des fascines que l'on enleva sur le bois qui était à lui, sinon il devait faire une saisie. J'ai paié 162£ avec toutes protestations et réserves même d'appel de la sentence. J'ai remis les pièces à Mr Martin. Bétems a signifié aussi la nomination d'experts pour les autres chefs de la sentence. Je crois que Resseguerre est allé aujourd'hui à Gex pour le poursuivre et le faire mettre en prison.

Je vais tâcher d'arranger l'affaire avec les Sonnex et faire agir Mr Martin contre les Bramerels.

Quant aux ursulines je les ai priées d'attendre mon retour à Paris pour demander vos ordres.

J'attends toujours impatiemment l'arrivée de Mr Racle, et sitôt qu'il aura donné de l'argent je partirai.

Vos Colons ne soupirent qu'après vôtre rétablissement et sont pénétrés de reconnaissance de la continuation de vos bontés.

Ma femme et Mimi sont à vos pieds et à ceux de Madame Denis, ainsi que moi.

Je suis avec un profond respect

Monsieur mon très cher maître

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Wagniere