1777-09-30, de Charles Juste de Beauvau, prince de Beauvau-Craon à Voltaire [François Marie Arouet].

Votre lettre du 27 d'Auguste que différens petits voyages m'ont empêché de recevoir plutôt ajoute encore M. à tous les sentimens qui m'avaient fait entreprendre un voyage que la charmante journée passée auprès de vous avait si bien payé.
Vous pourriez nous consoler de ce tems si agréable et si court en nous donnant quelquefois de vos nouvelles. Il y aurait encore beaucoup à s'instruire par vos questions et nous tâcherions de vous parler d'autres choses que du théâtre qui n'est plus guère intéressant que quand on y revoit vos pièces.

Tous les sentimens d'admiration et d'attachement que vous me connaisséz pour vous depuis si longtems sont encore augmentés depuis que j'ai revu l'homme qui fait le plus d'honneur à notre siècle et le seul qui rappelle et qui empêche de regretter ce beau siècle qu'on ne reverra plus.

Puisque vous m'avés permis M. de partager avec M. de B. le plaisir de vous voir, vous me permettrés aussi de partager sa reconnaissance et son attachement pour vous, comme je partageais déjà et son admiration et son empressment. Nous n'oublierons jamais le tems si court et si précieux que nous avons passé à Fernai, je croyais que vous étiés le seul homme qu'on pût connaitre sans l'avoir vû, et j'ai éprouvé qu'il fallait vous avoir vu, pour vous connaître et pour n'avoir plus rien à désirer que le bonheur de vous revoir.