3e auguste 1777
Notre martir ne vous reverra pas sitôt, mon cher et sage confesseur.
Il s'en va à Paris par Strasbourg et par Nancy, ce qui n'est pas le plus court chemin. J'ai imaginé que son véritable rêfuge devait être à Sans-Soucy. Il me semble que c'est à Julien à prendre soin de Libanius, d'autant plus que Julien second du nom, vient de faire un petit ouvrage beaucoup plus fort que tous ceux de son brave prédécesseur, et qu'il doit être bien content d'avoir un tel officier dans son armée. Il faut absolument que ce soit vous, mon très cher philosophe, qui lui ouvriez les portes de ce sanctuaire. Dieu vous a conservé pour secourir ceux qui souffrent pour son nom et pour sa gloire. J'ai actuellement avec Julien une petite affaire qui ne me permet pas de lui écrire sur d'autres objets. Je ne pourai lui écrire sur Mr De Lille que dans cinq ou six semaines. Je vous suplie de commencer cette sainte négociation. Ce n'est pas assez de fuir loin de messieurs Clément et compagnie, il faut vivre à son aise.
Nam si Libanio puer et tolerabile desit hospicium, Libanius ne poura peuêtre plus servir si bien la bonne cause. Les stoïciens, quoi qu'on en dise, ont des besoins comme les autres hommes.
Aiez donc la bonté, mon cher ami, de dire à Luc, que n'aiant pu le venir voir, vous lui envoiez un de vos disciples. Dès que vous aurez bien voulu m'instruire que vôtre Lettre sera partie, je presserai Luc, je le conjurerai per patrem suum Julianum, per omnes apostolos nostros, et per sanctum évangelium nostrum, et encor plus par son propre intérêt, d'admettre auprès de lui un homme aimable qui lui sera nécessaire. Car après tout, Luc devient vieux, il a besoin d'un homme qui l'entende et qui l'amuse, qui lui serve quelquefois de secrétaire, de bibliothécaire.
Est-il vrai que nous serons assez heureux pour être renforcés par Pascal-Condor…? Si vous venez àbout de cette grande affaire, les portes de l'enfer ne prévaudront plus contre nous. Vale ut miserere mei.
V.