à Cirey le 10 septembre 1736
Mon cher ami, vous êtes l'homme le plus exact & le plus essentiel que je connaisse.
C'est une louange qu'il faut toujours vous donner. Je suis également sensible à vos soins, à vos conseils & à votre exactitude.
J'ai reçu une lettre bien singulière du prince royal de Prusse. Je vous en enverrai une copie. Il m’écrit, comme Julien écrivait à Libanius. C'est un prince philosophe, c'est un homme & par conséquent une chose bien rare. Il n'a que vingt quatre ans; il méprise le trône & les plaisirs, & n'aime que la science & la vertu. Il m'invite à le venir trouver; mais je lui mande qu'on ne doit jamais quitter ses amis pour des princes & je reste à Cirey. Si Gresset va à Berlin, apparemment qu'il aime moins ses amis que moi. J'ai envoyé à notre ami Tiriot la réponse de Libanius à Julien. Il doit vous la communiquer. Vous aurez incessament la préface ou plutôt l'avertissement de Linant, puisque ni vous ni Tiriot n'avez voulu faire la préface de la Henriade. Continuez, mon cher ami, à m’écrire ces lettres charmantes qui valent bien mieux que des préfaces. Embrassez pour moi les Crébillon, les Bernard & les la Bruere. Adieu.