à Ferney 18e juillet 1777
Monsr De Villette, Monsieur, m'aiant écrit il y a deux mois que vous auriez la bonté de vous charger d'une montre pour lui, et que je n'avais qu'à vous l'envoier, souffrez que j'use de la permission que vous avez donnée.
Je joins à cette boëte le reçu de l'horloger.
Je n'ai point eu le bonheur de voir passer le grand homme qui est venu dans nos quartiers. Mon âge, mes maladies et ma discrétion m'ont empêché de me trouver sur sa route. Je vous confie que deux horlogers genevois, habitans de Ferney, moins discrets et plus jeunes que moi, s'avisèrent, après boire, d'aller à sa rencontre jusqu'à St Genis, arrêtèrent son carosse, lui demandèrent où il allait, et s'il ne venait pas chez moi. L'Empereur qui les prit pour des Français étourdis, leur dit qu'il n'avait pas encor été interrogé sur la route en France. L'un de ces républicains polis lui dit que c'était une députation de ma part. L'empereur aiant apris depuis que ces Messieurs étaient des natifs de Genêve, n'a point voulu coucher dans la ville, ni même voir les sindics, qui se sont présentés à lui. Il a refusé des chevaux que les Bernois lui avaient préparés, et n'a pas même voulu passer par Berne.
Voilà toutes les nouvelles que peut vous mander vôtre très humble et très obéissant serviteur
Le vieux malade V.