1777-07-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Frederick II, landgrave of Hesse-Cassel.

Monseigneur,

La Société économique de Berne a proposé, le 13 janvier de cette année, un prix de cinquante louis d'or pour celui qui rédigerait le meilleur code criminel, également éloigné de l'indulgence trop molle & d'une sévérité trop cruelle.
L'énoncé est très sage, & présente un objet très utile.

Je sais que plusieurs jurisconsultes éclairés & éloquents travaillent en conséquence. Mais cinquante louis ne me paraissent pas suffisants pour récompenser un si grand travail. Il en faudrait au moins cent cinquante. Un homme qui veut être inconnu, ajoute cinquante louis à la somme proposée dans la gazette de Berne du 13 janvier.

J'ose vous conjurer, monseigneur, d'encourager un projet si nécessaire au genre humain. Il serait digne de votre a. s. de stipuler cent cinquante louis, en ajoutant la centaine aux cinquante déjà promis. On vous garderait le secret jusqu'au jour où le prix serait adjugé. Vous seriez le bienfaiteur de l'humanité.

Je ne crois pas qu'un prince puisse faire un meilleur usage d'un peu d'argent, & je pense qu'il appartient à un landgrave de Hesse de contribuer à réformer le code de Charles-quint, nommé la Caroline. J'attends votre résolution & vos ordres. La fin de mes jours sera heureuse si ma proposition ne vous a point déplu.

Je suis avec le plus profond respect, & l'attachement le plus inviolable,

monseigneur,

votre, &c.