Gex ce 19 avril 1777
Monsieur,
Les Plus Beaux jours de ma vie sont ceux où j'ai eu L'honneur de vous voir, L'avantage de vous entendre et de vous admirer: Celuy, surtout, où vous avés bien voulu vous montrer à des gens qui étaient venus sous mes auspices dans votre château et qui Désiraient voir le Plus grand homme du siècle, a imprimé dans mon âme une Reconnaissance qui ne s'éteindra qu'avec elle: je ne Pus dans ce moment vous témoigner combien j'étais affecté de tant de Bontés, je ne sçus que les sentir; oserais je, Monsieur, vous offrir aujourd'huy les sentimens de La gratitude la Plus vive et la plus Respectueuse?
Je vous les offre dans toute l'humilité de mon néant. Cor Contritum et humiliatum deus non Despicies. J'ay souvent déclamé ces Paroles de David au dieu de sainteté dans la Douleur et Pliant sous le poid de mes iniquités; je les adresse au dieu de la Poêsie, au dieu de L'histoire, au Patriarche de La Littérature, Comblé, Pénétré et de ses grâces et de ses faveurs: je les adresse à L'illustre malade de Ferney qui ne mourra jamais puisque L'impotent malade de la Reyne vit encore.
p. s. Liceant miscere prophane sacris. J'ay appris que vous voyiés avec Peine la multitude de Cabarets établis à Ferney. Je L'ignorais à la Tenue des assises, j'aurais réformé alors Ceux qui ne vous auraient pas convenus: si vous voulés, Monsieur, en supprimer une Partie, il suffira de le faire dire à votre Procureur D'office en lui Désignant Les Cabaretiers que vous voudrés Proscrire.
Je suis avec le Plus profond Respect
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Borssat Dhauterive fils