1776-11-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles de Brosses, baron de Montfalcon.

Monsieur,

Etonné d'être encor en vie, je veux finir ma trop longue carrière par une action qui puisse vous plaire.
Vôtre terre de Tournay est prête de perdre le privilège de l'ancien dénombrement qui est une chose précieuse, et quoi que vous préfériez l'intérêt public au vôtre on peut aisément les accorder tout deux.

Quelques membres des Etats de Gex m'ont prié de prêter trente mille Livres à la province pour paier l'indemnité de la ferme générale. Je suis prêt de donner cette somme à quatre pour cent aulieu de cinq, et même de ne stipuler le paiement de la rente que dans deux ans, afin de donner aux Etats le tems de s'arranger et d'établir une très petite contribution pour subvenir aux autres charges de la province. Si je meurs avant de consommer cette affaire, Made Denis ma nièce la terminera.

Pour parvenir à cet arrangement qui parait essentiel, les Etats sont prêts à Demander à Messieurs de Berne des livraisons de Sel dont le débit servirait encor beaucoup à soulager le pays de Gex.

Voilà, Monsieur, sur quoi je suis chargé de vous demander vos ordres, vos conseils et vôtre protection. Je ne doute pas que vous ne puissiez dans une conversation avec Mr l'intendant arranger tout à la satisfaction de la province et à la vôtre. Pour moi, à l'âge où je suis, je n'ai d'autre intérêt que celui de mourir dans vos bonnes grâces.

Je suis avec respect

Mr

Vôtre.