22e 9bre 1776
Raton, mon respectable philosophe, est depuis vingt ans l'ami de Made L'envelope, et lui a eu en divers tems quelques obligations.
Il ne faut point être ingrat envers ses amis parce qu'il leur arrive quelque bonne fortune.
On n'a point envoié ce qui s'appelle des vers à la louange, des vers à mettre dans le mercure; on a écrit une Lettre familière, en vers familiers, selon son usage, et on ne l'a montrée à personne.
Je n'ai jamais été de l'avis de ceux qui dénigrent Jean Batiste. Je ne crois point du tout qu'il ait commencé par une banqueroute, puisque ses premières opérations furent de diminuer la taille de deux millions, et de faire baisser le prix du pain en tems de famine. L'année de sa mort fut la seule où la dépense se trouva égale à la recette, et celà n'est jamais arrivé depuis lui. Il créa en peu de tems une marine formidable qui ne serait pas inutile aujourd'hui. Je l'ai toujours regardé comme un très grand homme, quoi qu'il eût des déffauts, et même des ridicules. Je suis à Caton, mais je ne puis abandonner Jean Batiste.
Toutes ces disputes sont des balivernes. L'essentiel pour moi est que la petite ville que je bâtissais tout doucement est détruite avant d'être achevée, et que ses ruines m'écrasent. Je ne pourai pas dire en mourant,
Mes pauvres horlogers qui avaient fondé la ville sont persécutés. Je ne suis pas assez sot pour les soutenir. J'abandonne tout, je meurs ruiné. Jean s'en alla comme il était venu.
Cependant, Gilles Shakespear et maître Guénée triomphent. Peut être tout celà changera dans soixante et quatorze mille ans, quand tout sera gelé.
Je vous embrasse très trendrement du fond de ma caverne.