21e auguste 1772, à Ferney
Mon cher camarade campagnard, il n’y a pas d’aparence que je vous revoie avant le jour des embrassades de la vallée de Josaphat.
Je me dispose à vous y aller attendre.
Envérité, j’ai presque bâti une ville. Florian y a une petite habitation charmante, il l’a dirigée avec tout le goût possible, et je n’ai été que le trésorier de ses bâtiments.
Vous ne serez peut être pas fâché un jour d’être possesseur d’un petit état grand comme la main, mais qui est dumoins jusqu’à présent affranchi de tous droits, et où la liberté semble s’être réfugiée. Donnez un frère à vôtre fille et tout celà s’arrangera avec le tems. Ce tems va finir pour moi, et il s’ouvre pour vôtre famille. Je m’intéresse infiniment au bonheur de vôtre femme dont on dit mille biens. J’espère que vous en ferez une philosophe. Le mari fidèle convertit la femme infidèle.
Je vous envoie un petit bouquet pour la fête de la st Barthelémi que nous allons célébrer. Nous sommes dans des jours un peu fâcheux, mais ce sont des roses en comparaison du tems passé.
Je ne vous savais pas en correspondance avec les normands Lezeau. Je vais écrire au gros abbé au sujet de cette bagatelle qu’il faudra je crois remettre à Laleu, quoique j’en aie grand besoin; car les maisons que j’ai bâties ont fait à ma bourse autant de mal que mes soixante et dixhuit ans en ont fait à ma santé.
Adieu, mon très cher neveu, je vous embrasse vous, Madame vôtre femme et vôtre petite fille.
V.