5e juill: 1776
Le vieux malade de Ferney, Monsieur, se recommande toujours à vôtre souvenir.
Il supose que vous avez à présent plus d'une affaire; mais il supose aussi que vous avez eu le plaisir d'assister à la réception de Mr De Laharpe. Je lui dois des remerciements bien vrais et bien tendres. Son amitié est aussi courageuse qu'éloquente, et s'il a passé les bornes en parlant de moi je ne lui en ai que plus d'obligations. Il a cru devoir opposer quelques éxagérations à celles que mes ennemis m'ont prodiguées.
Permettez que je mette sous vôtre envelope la lettre que je lui écris.
Je n'ai fait encor aucune démarche auprès de Mr de Cluny pour mon petit païs et pour ma petite colonie. Je ne sais point si nous aurons le sel qu'on nous a promis, et pour lequel nous paions Trente mille Livres par an à la ferme générale.
J'ignore aussi quel parti l'on prend sur les corvées et sur les maîtrises. Le coin de terre que j'habite est dans une position singulière, aiant été déclaré province étrangère, et n'aiant pu jouir des avantages qu'il a chèrement achetés. Je n'en ai pas même encor parlé à Mr De Trudaine. J'ai cru que dans ces premiers moments il fallait laisser aux ministres le tems de se reconnaître, et ne les pas fatiguer par des demandes indiscrètes. Je ne vous parle en général de mes inquiétudes sur ma petite province et ma Colonie, qu'encouragez par toutes les marques d'amitié que vous avez bien voulu me donner, et par l'extrême indulgence que vous m'avez toujours témoignée.
Conservez moi Monsieur, des bontés qui me seront toujours chères, et dont la reconnaissance ne finira qu'avec la vie du vieux malade de Ferney
V.