1776-04-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Le Mercure de France.

Vous m'apprenez, monsieur, qu'on vient d'imprimer les Œuvres posthumes de feu m. Piron, & que l'éditeur ne m'a pas épargné.
Il prétend, dites vous, que le roi de Prusse m'ayant un jour parlé de cet auteur agréable, plein d'esprit & de saillies, je lui répondis: Fi donc! c'est un homme sans mœurs.

Je vous conseille, monsieur, de mettre cette anecdote au nombre des mensonges imprimés; elle n'est assurément ni vraie, ni vraisemblable. Je puis vous attester, & j'ose prendre sa majesté le roi de Prusse à témoin, que jamais il ne m'a parlé de Piron, & que jamais je ne lui en ai dit un mot. Je ne crois pas avoir entrevu Piron trois fois en ma vie. Je connais encore moins l'éditeur de ses ouvrages; mais je suis accoutumé depuis longtemps à ces petites calomnies, qu'il faut réfuter un moment, & oublier pour toujours.