25 décembre [1764]
Quelque mépris qu'on ait pour la calomnie, il est quelquefois nécessaire de la réfuter. Un libraire d'Amsterdam a cru qu'il était de son intérêt d'imprimer sous mon nom des bêtises hardies. Il a débité une brochure intitulée, Ouvrage postume de m. de M. Y., le testament de Jean Mélier, autre brochure, &c. & Il a donné à ce petit recueil le titre de Collection complette des ouvrages de m. de V. Comment un si petit livre peut-il être intitulé Collection complette? & comment une œuvre posthume de M. Y., & un testament d'un homme mort il y a trente ans, peuvent-ils être de moi? Je ferai encore une autre question: comment ne punit-on pas un tel délit, qui est celui d'un calomniateur & d'un faussaire? Un autre libraire s'est avisé d'imprimer l'Arétin sous mon nom. Un autre donne mes prétendues lettres secrêtes; mais, mon ami, si elles sont secrètes, elles ne doivent donc pas être publiques. Il ne se passe guère de mois où l'on ne m'attribue quelques ouvrages dans ce goût.
Je ne les lis point, & c'est ce qui me console d'avoir presque entièrement perdu la vue: mais je ne me consolerais pas de ces impertinentes imputations, si je ne savais que les honnêtes gens voient avec indignation cet abus de la presse, & que les hommes en place ne jugent pas sur des brochures de Hollande & sur des gazettes. Il faut pardonner cet abus de l'imprimerie en faveur du bien qu'elle a fait aux hommes.