1768-01-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence.

Je vous dois des réponses, mon cher philosophe militaire; mais il y a trois mois que je ne sors prèsque point de mon lit.
J'achêve ma carrière tout doucement. Ma plus grande peine est de ne pouvoir remplir comme je voudrais les devoirs de mon cœur.

Savez vous bien qu'on a imprimé en Hollande un petit livre intitulé le philosophe militaire? Ce n'est pourtant pas vous qui l'avez fait. On le connaissait depuis longtemps en manuscrit. C'est un ouvrage dans le goût du curé Mêlier. Il est de St Hyacinthe que la chronique scandaleuse a cru fils de l'Evêque de Meaux Bossuet. Il avait été en éffet officier un ou deux ans. Tâchez de vous procurer cet écrit. Il n'est pas ortodoxe mais il est très bien raisoné, et mérite d'être réfuté. Vous pouriez aisément faire venir d'Amsterdam une petite bibliothèque complette. Vous n'auriez qu'à vous adresser à un libraire de Bordeaux et lui dire de vous faire venir par Marc Michel Rey, Libraire d'Amsterdam, tous les livres que ce Marc Michel a imprimés sur ces matières. Il y en a plus de quinze volumes. Un secrétaire de mr le Maréchal de Richelieu, ou de l'intendant de la province, pourait aisément vous faire passer le paquet. Il n'y a pas à présent de voie plus commode.

Il parait une autre brochure du même st Hyacinte, intitulée, le Diner du comte de Boulainvillers. On pourait vous l'envoier par la poste de Lyon mais il serait à propos que vous eussiez une correspondance à Limoges. Je vous souhaitte une bonne année. Vivez longtemps, Monsieur, pour l'intérêt de la vertu et de la vérité.

v. t. h. ob. sr

Boursier