27e 9bre 1767
Mon cher bienfaicteur de la Littérature, je ne manquerai pas d'envoier vôtre petit billet à son adresse sitôt que l'homme à qui vous écrivez sera revenu de Lausanne où il est pour quelques jours.
J'ai lu les Lettres sur Rabelais et autres grands personnages. Ce petit ouvrage n'est pas assurément fait à Genêve. Tout ce que j'en sais c'est qu'il est imprimé à Bâle et non point chez Marc Michel Rey, comme le tître le porte. Il y a en éffet des choses assez curieuses; mais je voudrais que l'auteur ne fût point tombé quelquefois dans les défauts qu'il semble reprocher aux auteurs hardis dont il parle.
Parmi une grande quantité de livres nouveaux qui paraissent sur cette matière il y en a un surtout dont on fait un très grand cas. Il est intitulé le militaire philosophe, et imprimé en éffet chez Marc Michel Rey; ce sont des Lettres écrites au père Mallebranche qui aurait été fort embarassé d'y répondre.
On a débité en Hollande cette année plus de vingt ouvrages dans ce goût. Je sais que la fréronaille m'impute toutes ces nouveautés; mais je m'envelope avec sécurité dans mon innocence et dans le siècle de Louïs 14 que je fais réimprimer augmenté de plus d'un tiers.
Je profite de la permission que vous me donnez de vous adresser une copie de l'errata que l'éxacte et avisée veuve Duchène a perdu: si à propos. Je mets tout celà sous L'envelope de Mr De Sartines, parce qu'il m'a paru que messrs De La poste avaient eu quelques soupçons sur le contre seing de mr Le vice chancelier. Vous en jugerez par l'adresse que je vous renvoie. Elle a été taxée à la poste; et il est probable qu'elle a été ouverte.
Je pense que quand on contresigne pour mr Le vice chancelier, il faut un papier plus grand, et qui ait plus l'air ministre; mais je peux me tromper.
Vous me demandez, mon cher Monsieur, si je m'intéresse aux édits qui favorisent le commerce et les huguenots; je crois être de tous les catholiques celui qui s'y intéresse le plus. Je vous serai très obligé de me les envoier; il me semble que le conseil cherche réellement le bien de l'état; on n'en peut pas dire autant de Messrs de la Sorbonne!
Adieu, Monsieur, vous ne sauriez croire combien vôtre commerce m'enchante, il ranime ma vieillesse, et augmente Les sentiments que je vous ai voués.
V.