à Ferney 5e février 1773
Vous avez bien voulu, Monsieur, m’écrire quelquefois. Je m’adresse à vous dans une occasion où je crains de fatiguer Monsieur le chancelier et Monsieur de Sartines, occupés tout deux de plus grandes affaires que de celles d’un libraire. J’ai déjà porté mes justes plaintes à Mr De Sartines de la contravention d’un nommé Valade, Libraire de la rue st Jacques, qui sans aprobation ni privilége a imprimé et publié sous le tître de Genêve Les loix de Minos entièrement défigurées.
Il faut que quelque gagiste de la comédie lui ait vendu clandestinement un mauvais manuscrit auquel on aura cousu quelques vers pour grossir l’ouvrage. Le Libraire Valade aura trompé le censeur roial, et lui aura fait àcroire que le manuscrit venait de moi.
Comme je n’ai prèsque aucun commerce avec Paris je ne connais aucun censeur des livres; je vous prie Monsieur, de vouloir bien m’indiquer celui à qui Valade a pu s’adresser, afin que je le suplie de vouloir bien prendre les mesures nécessaires pour arrêter le débit de cette édition furtive.
Je viens d’aprendre que ce même Valade a été l’imprimeur des trois siècles, et d’une Lettre à moi adressée, qui sont, dit-on, des libelles diffamatoires composés par un nommé Sabatier et par un nommé Clément, remplis des plus horribles calomnies.
J’ignore quel est le secrétaire de la Librairie qui a succédé à Mr Marin. Mon âge et mes maladies m’ont privé de toute correspondance avec les gens de Lettres. Souffrez que je vous rapelle icy les sentiments avec lesquels vous m’avez prévenu. Je vous suplie de me les continuer, et de vouloir bien montrer ma Lettre à Monsieur de Sartines.
J’ai l’.