au châtau de Ferney en Bourgogne par Geneve 24 nov^b 1764

Je viens d'apprendre par la chambre sindicale de Paris qu'on s'est servi du nom de Marc Michel Rei libraire d'Amsterdam pour envoier un volume in octavo intitulé collection complette etc.ouvrages philosophiques de m^r de Voltaire. On y trouve

• le testament de Jean Mélier
• le sermon des cinquante
• le catéchisme de l'honnête homme
• l'examen de la relligion
• etc.

La plus part de ces pièces connues depuis plus de vingt années sont un tissu des plus horribles blasphèmes qu'on ait jamais vomis contre la relligion crétienne. Il n'y a point d'homme de lettres à Paris qui ne connaisse le testament de Jean Mélier, curé d'Etrépigni près de Rocroy en Champagne. Il mourut je crois en 1733 et il laissa trois exemplaires manuscrits de ce malheureux testament par le quel il désavouait la relligion dont il avait été le ministre.

Le sermon des cinquante est un libelle non moins exécrable qui a toujours passé pour être de la Métrie et qui même a été deux fois imprimé sous son nom.

L'examen de la relligion attribué mal à propos à s^t Evremont ne peut pas être plus de luy que de moy. C'est un mauvais ouvrage mal écrit, qui a été d'abord imprimé à Hambourg. Je ne connais point le catéchisme mais je sçais que les auteurs et les imprimeurs de tous ces ouvrages affreux seraient condamnez au dernier supplice dans tous les tribunaux de l'Europe.

M^r Marc Michel Rey est intéressé plus que personne à faire cesser l'abus criminel qu'on fait de son nom et du mien, et à emploier l'autorité des magistrats qui doivent réprimer une licence si infâme. Je le prie instamment de se joindre à moy pour effacer jusqu'aux dernières traces de cette indigne calomnie qui nous outrage tout deux également.

Voltaire
gentilhome ord.
de la chambre du Roy