22e avril 1763
Le bon dieu vous le rende Monsieur d'avoir guéri mr le comte de Brassac de sa peur.
Non seulement vous êtes philosophe, mais vous en faites. Je suis bien fâché de n'avoir plus de sermons, mais vous aurez des curez Mélier tant que vous en voudrez. Je ne sçais si le dernier ouvrage de Jean Jaques Roussau intitulé Emile est parvenu jusqu'à vous. Il est vray que dans ce livre qui est un plan d'éducation il y a bien des choses ridicules et absurdes. Il a un jeune homme de qualité à élever, et il en fait un menuisier. Voylà le fonds de ce livre. Mais il introduit au troisième tome un vicaire savoyard qui sans doute était vicaire du curé Jean Mélier. Ce curé fait une sortie contre la relligion crétienne avec beaucoup d'Eloquence et de sagesse. Vous avez sçu que l'archevêque de Paris a donné un mandement violent contre Jean Jaques, que Jean Jaques poursuivi d'ailleurs par le parlement de Paris, brûlé à Geneve sa patrie, brûlé à Berne, c'est à dire brûlé dans la personne de son livre, s'est retiré dans un désert près de Neufchatel qui apartient au Roy de Prusse. C'est de là que ce pauvre martir a écrit une lettre de deux cent pages à l'archevêque de Paris, intitulée lettre de Jean Jaques Roussau à Christophe de Beaumont. Il est fort difficile d'en avoir des exemplaires. S'il m'en tombe un entre les mains, je tâcherai de vous le faire parvenir contresigné. A dieu monsieur. Continuez à détruire l'erreur et à aimer vos amis. Daignez toujours me compter parmy ceux qui vous sont le plus dévouez.
V.