1748-10-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Louise Denis.

Ma chère enfant si notre archevêque interdit la prédica au frère, il n'empêchera pas la sœur de faire une comédie; et je croi qu'une comédie vaut bien un sermon.
Peutêtre aussi l'archevêque pense que les sermons d'un abbé Mignot qui me paroit dessalé, pouroient bien au fonds être des comédies. Vous verrez qu'on ne veut permettre de précher qu'aux bonnes gens bien persuadez de ce qu'ils disent. Je n'ay pas opinion de sa vocation pour le séminaire. Il se poura bien faire que quelque matin, il luy prenne un bon accez de philosofie, qui luy fera brûler son rabat et sa somme de st Tomas et en fera un homme aimable, libre et indépendant, ce qui n'est point du tout un méchant lot.

Je vis toujours ma chère enfant dans l'espérance de vous embrasser au mois de décembre. Si vous retouchez votre troisième acte, je corrige mon cinquième. Je travaille tous les jours à Semiramis. Il y a toujours à refaire à une pièce de téâtre. En vérité c'est une affaire plus grande qu'on ne croit. Mais mon affaire la plus intéressante est de revenir auprès de vous. Je vous embrasse bien tendrement.

V.