à Luneville 28 octb [1748]
Ma chère enfant je vous ay écrit, et je serois fâché que ma lettre fût perdue.
Il faudra donc que notre abbé braille en chaire. Soit si cela peut luy faire avoir quelque bénéfice par mr de Mirepoix mon cher amy, qui est luy même un si grand prédicateur. Quand aurez vous fait huit comédies, comme il a fait 8 sermons? Mon sermon de Semiramis a été fort bien reçu à Fontainebleau. La première nouvelle que j'en ay eu a été par la reine qui l'a mandé au roy son père. J'ay obtenu qu'on ne jouast point la parodie à la cour et si je me donne un peu de mouvement je pourai bien obtenir qu'on ne joue pas cette sottise à la ville. Ce n'est pas que je ne méprise ces sottises, faittes pour la canaille, mais c'est un abus déshonorant pour la nation que je voudrois abolir, et je ne seray pas fâché de montrer à mes ennemis que j'ay autant de crédit qu'eux, et de les priver de ce vain et misérable triomphe. Vous m'aprenez que M. le duc de Richelieu est maréchal de France. Je le souhaitte, et je voudrais surtout qu'il ne le fût pas luy dixième ou onzième.
On m'avoit mandé que monsieur le comte Dargenson se portoit mieux. Je savois le sort de Mégare. Je connois le père. Il ne peut guère faire que de pareils enfans. Je vis toujours dans l'espérance de troquer au commencement de décembre au plus tard ma cour de Lunéville contre la vôtre. Adieu ma chère enfant, je vous embrasse mille fois.
V.